Grand nom du football congolais, et ancien international léopard Hérita Ilunga s’exprime pour la rédaction de Léopard Leader Foot. Dans cet entretien, Hérita revient sur toute sa carrière internationale et en club. Il revient également sur l’actualité des Léopards avec un regard de « grand frère » sur cette nouvelle génération et évoque l’avenir des Léopards et le sien.
Léopard Leader Foot : Bonjour Hérita, tout le monde te connaît, mais pouvons-nous revenir sur ta carrière bien remplie ?
Hérita Ilunga : J’ai commencé à l’Espanyol Barcelone, ça s’est mal passé. Le coach qui m’avait fait signer a été limogé. J’étais avec la réserve. J’ai fait un test à Saint-Étienne, puis j’ai signé et j’y ai passé 4 ans. J’ai connu la montée de la Ligue 2 à la Ligue 1. Ensuite, j’ai effectué une saison à Toulouse avant d’aller découvrir la Premier League, avec West Ham pendant 4 ans, puis à Doncaster durant une courte période 6 mois. Après cela, j’ai eu un passage à vide sans club qui a duré 6 mois puis j’ai repris à Rennes. Après Rennes, je devais signer à Nancy mais le club avait des problèmes financiers et la DNCG a refusé. J’ai trouvé un point de chute à Créteil qui était en National et maintenant nous sommes en L2.
Il y a eu également la sélection que j’ai arrêtée il y a 4 ans lors de la saison 2011/2012.
LLF : Quelle a été ta meilleure expérience lors de ta carrière ?
HI : Saint-Étienne c’était ma première réelle expérience, j’ai tout appris et tout découvert. La montée, le public énorme du Chaudron : c’est une famille ! J’ai aussi disputé la coupe d’Europe. Il y a également mon épisode en Premier League, c’est un rêve chaque match ; le public et l’organisation autour des matches ça n’a rien avoir. Et comment ne pas parler de la sélection ; un message à tous ceux qui hésitent : il n’y a pas plus de bonheur que de jouer sous ce maillot, surtout pour un pays avec une grande histoire comme la nôtre. La sélection c’est le summum ! Bien sûr, on a nos soucis, mais il y a tellement de pression, de bonne pression, qui te canalise : c’est énorme. Et une simple victoire fait la joie de millions de gens.
Mais en général, je retire du positif partout.
LLF : Dans ta longue carrière il y a sans doute des grands joueurs qui t’ont marqué. Si tu devais sortir quelqu’un, qui dirais-tu ?
HI : Lors de ma formation chez les jeunes à Rennes, Shabani Nonda était professionnel déjà. Puis le revoir en sélection était quelque chose d’énorme. C’est un joueur extrêmement professionnel, un leader un excellent capitaine. Ce fut une chance de le côtoyer.
Mais il y a eu beaucoup de grands joueurs, surtout en Angleterre. Quand tu affrontes Chelsea et que devant toi il y a Terry, A.Cole, Drogba ou encore Manchester United de Sir Alex avec Ronaldo sur qui j’ai défendu et à sa sortie, il est remplacé par Nani ; sachant que dans cette équipe il y a Scholes et Rooney. Ou bien à Arsenal, j’y ai affronté Robin Van Persie et Adebayor.
Dans mon club de West Ham il y avait des joueurs énorme également Behrami, Scott Parker ou encore un joueur avec un talent et un caractère incroyable comme le gallois Craig Bellamy.
LLF : Comment juges-tu ta saison avec Créteil ?
HI : L’objectif a été atteint, nous nous sommes maintenus. Il y a eu plusieurs phases durant cette saison. Je suis venu épauler dans l’axe. Je me suis blessé durant 2-3 semaines, puis un passage à vide. Je suis revenu à gauche. Il y a eu des difficultés ainsi qu’un changement de coach. Mais ensuite nous avons montré une belle combativité et un bel état d’esprit à la différence de notre niveau de jeu. Face à nos adversaires directs, on a su répondre présent. Ce fut une année passable.
LLF : As-tu déjà envisagé de mettre fin à ta carrière ?
HI : Très bonne question (rires). Après le refus de la DNCG pour rejoindre Nancy, cette idée a traîné dans ma tête. Mais je n’étais pas prêt. Je suis en formation (Hérita Ilunga est en formation à distance où il prépare actuellement un DUGOS « Diplôme Universitaire Gestionnaire des Organisations Sportives »). J’ai signé 6 mois à Carquefou. Ca m’a fait du bien. Il me reste 1 an de contrat, je me sens bien. J’ai disputé 30 matches toutes compétitions confondues cette saison. On verra bien l’année prochaine, l’essentiel est de prendre du plaisir.
LLF : Du fait de ta grande expérience, quel message aurais-tu pour les jeunes aujourd’hui ?
HI : On trouve de moins en moins cette passion du foot c’est à dire celle de prendre du plaisir en jouant. C’est l’orientation du foot, les jeunes sont plus poussés vers la performance. Donc c’est normal mais tu dois avant tout prendre du plaisir. Il y a trop de pression sur leurs épaules. Prends du plaisir, ne lâches rien et rêves car c’est permis à tout le monde ! Ceux à la télé ont des bras et des jambes comme vous, dans le foot ça va très vite !
LLF : Avec ton œil de grand frère que penses-tu des Léopards aujourd’hui, notamment de leur CAN ?
HI : Je suis toujours l’actualité, depuis mon dernier match face au Cameroun. C’était la fin d’un cycle, il fallait un geste fort. Je suis supporter du Congo, je m’intéresse aux championnats locaux.
Le danger ? IL y a une nouvelle génération, un nouveau coach ; il faut donc éviter les erreurs du passé : l’improvisation, le manque de préparation. La troisième place à la CAN, il faut la voir comme une bénédiction. Quand tu commences, tu veux toujours gagner. Mais au début, je ne voyais pas ça pour nous. Il ne faut pas oublier d’où l’on vient. On vient de loin ! Les joueurs explosent, la méthodologie du coach est cool, la mayonnaise prend bien et ça me réjouit. Ils nous ont fait rêvés, c’était énorme ! La troisième place je ne sais pas si c’est mérité, mais nous l’avons donc soyons fiers. Bravo aux joueurs, au coach Florent Ibenge, à la fédération également d’avoir mis en place une infrastructure.
Mais maintenant on fait quoi avec cette troisième place ? Il ne faut surtout pas brûler les étapes, bien préparer les qualifications et être premiers ! Il faut une génération durable. En ce moment, beaucoup de nouveaux joueurs viennent avec de la joie et c’est important.
Il faut un objectif fixe. Gagner la CAN, c’est trop haut, il faut rester sur terre. Personne ne nous voyait troisième. Pour moi, l’objectif à la prochaine CAN est de se maintenir au même niveau, il faut s’installer durablement dans le TOP 5. Bien sûr, si on peut gagner il le faut. Mais l’objectif majeur à ne pas oublier est 2018, ce n’est pas loin. 2018 ça se prépare bien. Continuer à s’installer petit à petit, avoir de bons résultats. L’Algérie n’est pas devenue une grande équipe du jour au lendemain. Cela me tient à cœur, il ne faut pas se perdre et être cohérent. On est dans un tournant de notre football.
LLF : Nous nous sommes entretenus avec Chris Mavinga et nous a confié que tu as joué un rôle dans sa décision, que peux-tu dire à ce sujet ?
HI : Oui, on en a discutés ; je lui ai dit qu’il ne se rendait pas compte que jouer pour les A était énorme. On doit progresser c’est sûr, mais il n’y a pas que nous. Je lui ai dit ce que je pensais, j ai déjà eu ce genre de discours avec beaucoup d’autres joueurs dont Kembo Ekoko. J’espère qu’il fera très bientôt parti du groupe, c’est un joueur énorme. Tous ces joueurs on doit discuter avec eux pour essayer de les rassurer et de les récupérer.
LLF : Tu peux nous en dire un peu plus sur le cas Kembo Ekoko ?
HI : Ca fait un moment que Kembo veut jouer pour la RDC. Les infos sont très mal interprétées. Il aime le pays, on aurait aimé qu’il vienne un peu plus tôt mais c’est son choix. Le Qatar ne doit pas être un frein.
LLF : Au vue de ta carrière et ton influence te vois-tu aider les Léopards après ta carrière de footballeur ?
HI : Absolument ! J’ai des objectifs, mais je ne me vois pas coach et je l’ai toujours su. Par contre dans la direction, oui, pourquoi pas orienter une philosophie de club. J’ai toujours aimé être à la base d’une organisation, c’est pour ça que je fais tout pour obtenir mon diplôme dans ce domaine. Il faut s’organiser pour que ça aille mieux. Il y a déjà Aziz et Bageta et c’est déjà très bien.
LLF : Il y a-t-il une fonction qui t’intéresse plus qu’une autre ?
HI : Je sais ce que je veux et je veux vraiment aider et m’investir pour mon pays.
LLF : Que peux-tu dire concernant l’avenir de Florent Ibenge au sein des Léopards ?
HI : Pour moi, l’idéal est de se structurer, donner les meilleurs moyens à Florent Ibenge. Je pense que c’est l’homme de la situation. Plus il y a de déçus plus le niveau monte. On ne peut pas prendre tout le monde, à chaque sélection les 23 meilleurs sont retenus. ET ça, ça rendra notre foot meilleur et joyeux.
LLF : La fédération subit beaucoup de critiques, mais montre des signes de progrès, qu’en penses-tu ?
HI : La fédération dépend de l’Etat, elle fait un programme après le ministre doit le valider. On peut dire qu’elle se débrouille. Notre problème était marketing, un seul sponsor, ce fut honteux. La fédération n’est pas maître de tout. J’espère qu’elle pourra être plus automne rapidement car c’est très important pour l’évolution du foot congolais.
LLF : Au vue de la génération talentueuse dont tu as fait parti avec les Léopards, tu n’es pas déçu de ne pas avoir fait de meilleurs résultats avec cette équipe ?
HI : Oui, j’ai eu de la chance de faire deux CAN. C’était un désastre, mais une bonne compétition. Après en Egypte, on a fait un parcours honorable. On n’avait pas le niveau pour aller plus loin dans les compétitions. Notre génération était pendant le règne de l’Egypte il y avait aussi le Cameroun et le Nigeria. Nous avions de bonnes individualités, et Claude Leroy a fait sortir de nombreux joueurs. C’est dommage que nous n’ayons marqué aucune compétition. C’est un regret, on n’a pas été assez bons pour reproduire la dernière performance des Léopards. On retient une génération à ses résultats. Nous, nous avons eu du plaisir et avons rendu des compatriotes fiers. On était en sélection pendant les périodes de troubles mais ce n’est pas une excuse. Je tiens quand même à souligner que ce n’était pas évident, mais oui gros regret.
LLF : Que peux-tu dire du concept Léopard Leader Foot ?
HI : Je suis sur Instagram. C’est bien de donner des informations et de la visibilité. C’est important surtout via les réseaux sociaux, c’est top ! J’espère que vous allez bien vous développer, mais si vous restez aussi professionnels et aussi pointus dans vos questions, il n’y aura aucun souci.
LLF : Quel message as-tu pour le peuple congolais ?
HI : L’avenir est heureux, on a connu des moments délicats et difficiles. On a fait le dos rond. Il faut continuer de se battre et de supporter les Léopards. Tout le monde, tout un peuple est derrière eux et pas uniquement quand l’équipe gagne. Soyons derrière les joueurs et le coach pour que ça se passe le mieux possible.
LLF : Merci beaucoup à toi Hérita, et bonne chance pour la saison prochaine.
HI : Il n’y a pas de soucis, c’était avec grand plaisir bonne continuation à vous !